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Le constat est évident. Les populations d’Agoué et de Grand-Popo se ravitaillent en produits vivriers dans les villages du Togo voisin principalement à Dzoda (Agouégan). Une tradition qui perdure malgré les efforts du gouvernement béninois dans la production agricole. Une équipe de 24 Heures au Bénin s’est penchée sur la question.
Tôt ce lundi 8 novembre 2021, dame Afiavi G. quitte sa maison à Agoué pour se rendre au marché Dzoda. Un marché international qui se trouve de l’autre côté de la rive du fleuve Mono, en territoire togolais. Elle y est allée pour faire le ravitaillement en vivres pour le compte de la semaine. ‘’C’est tous les lundis que le marché s’anime. Et si on ne fait pas les emplettes pour toute la semaine, on souffre après car ici, nous n’avons pas de marché qui s’anime. Nous achetons tout du côté togolais’’, confie dame Afiavi G.
Tout comme cette mère de famille, les populations d’Agoué et même de toute la commune de Grand-Popo se ravitaillent en produits vivriers au Togo pour leur consommation quotidienne. ‘’La plupart des produits vivriers (gari, maïs, haricots, tapioca et autres) que consomment les populations d’Agoué, de Grand Popo et même de Comè provient du Togo.’’, reconnaît Edouard Akpaka, enseignant et secrétaire général de l’association de développement de l’arrondissement d’Agoué. Comment peut-on expliquer une telle situation ? Beaucoup pensent que c’est un fait historique qui dure dans le temps.
Un fait historique
Quand on remonte dans l’histoire de la ville d’Agoué, on se rend compte que beaucoup de choses s’expliquent. ‘’Ce qui concerne l’arrondissement d’Agoué, c’est un peu historique. Dans les anciens temps, Agoué était dans le Togo. Il n’y avait pas une différence entre les habitants d’Agoué et Agouègan. Les familles qui vivaient à Agoué ont leur champs à Agouègan. Après les récoltes, ils vont se reposer à Agoué et en profitent pour faire la pêche. De mon point de vue, je constate que les grands parents ont peut-être remarqué que les terres d’Agoué ne sont pas fertiles pour les produits vivriers.’’, raconte Edouard Akpaka.
Selon l’histoire, la première convention franco-allemande de 1885 a été défavorable à Agoué. Sur demande du roi d’Agbannakin, Agoué devient protectorat français le 15 avril 1885. La même année, le 24 décembre, les Français cèdent aux Allemands Anecho et Porto-Séguro en échange de quelques comptoirs en Guinée. Cette cession a été désastreuse pour Agoué et son annexion en 1894 à la colonie du Dahomey n’aura rien changé à la convention. De plus, avec la 2ème convention franco-allemande de 1897, une partie du royaume d’Agoué (la rive droite du Mono, de Tokpli à Agbannakin, le Nord de la lagune, de Agbannakin à Agouégan et Agokpamé) sera cédée à l’Allemagne. Ainsi, Agoué est séparée de tous les villages situés derrière la lagune d’où elle tire ses produits agricoles : la ville d’Agoué est française et toutes ses fermes sont allemandes. C’est ce qui expliquerait le fait que les populations d’Agoué et ses environs continuent d’être dépendantes du Togo en matière de produits vivriers. Mais pour la cheffe de l’arrondissement d’Agoué, Chantale Rosine Romao, au-delà des faits historiques, ‘’ il n’y a pas de politique réelle de développement venant de la commune en matière de subventions.’’
Malgré le poids de l’histoire et la persistance du phénomène, les autorités actuelles pensent changer la donne car cela constitue un manque à gagner dans la mobilisation des ressources propres.
Un poids sur l’économie locale
Selon les spécialistes des questions économiques, l’existence d’un marché dans un milieu est une source de mobilisation de ressources propres. Et donc quand les habitants d’une ville se voient obligés d’aller au marché ailleurs, ils ne font qu’enrichir l’économie locale du lieu où est implanté ledit marché.
De ce point de vue, la commune de Grand-Popo perd beaucoup d’argent quand ses populations alimentent à presque 100% le marché Dzoda d’Agouégan dans le Togo. Et pour Rosine Romao, c’est à cause de l’existence de ce marché ‘’ qu’aucun marché de la commune ne s’anime.’’ ‘’Cela urge que Agoué ait son autonomie dans la commercialisation et la consommation des produits vivriers. Le problème est actuellement sur tapis et on y réfléchit sérieusement. L’actuelle Cheffe d’Arrondissement cherche des voies et moyens pour y arriver.’’, renchérit Edouard Akpaka.
Au-delà d’un simple constat, l’approvisionnement en produits vivriers de première nécessité est une évidence dans la commune de Grand-Popo : presque tout provient des champs des villages du Togo voisin.
Même si aujourd’hui au Bénin, la commune de Grand-Popo est en tête de peloton en matière de production maraîchère, Dzoda demeure le ’’grenier à grains’’ pour la majeure partie de ses populations et des localités environnantes.
Cokou Romain COKOU
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